
Une personne qui a traversé ma vie durant une période charnière.
Qui m’a marqué durablement.
Qui à sa manière a façonné l’homme que je suis aujourd’hui
et nourrit toujours celui que je continue de devenir.
J’ai plaisir à cet instant de me remémorer son allure, sa gestuelle…
Ces détails en apparence anodins…
La façon qu’il avait de se frotter l’arrière de la tête comme si il la soutenait
un sourire franc, jamais forcé, une posture droite, alerte, peut-être pas assez détendu : )
Ses grosses lunettes
…
La 1ère fois où je l’ai rencontré.
Ma mère qui me présente son nouveau compagnon.
Je dois avoir 10 ans + ou -
Il arrive dans ma maison à Québec.
Situation délicate pour lui j’imagine.
Il m’a apporté 2 bandes dessinées.
Pas pour m’apprivoiser,
plutôt une marque de respect.
Peu après il m’a demandé de l’accompagner, seul, pour aller chercher du beurre ou du lait, à l’épicerie du coin pendant que ma mère préparait le souper. Dans sa voiture, Cadillac… Le choc déjà, mon père avait une Pinto : )
Sans détour il m’a dit qu’il était le nouveau compagnon de ma mère et qu’il allait être là souvent.
Ce qui m’a frappé c’est sa manière directe et franche de me confronter à cette réalité.
Il n’avait pas peur de ma réaction. Il m’a parlé franchement.
Sur le coup j’ai été un peu sonné.
Mais j’ai eu l’impression d’être traité comme une grande personne.
Pour la première fois de ma vie.
Ma méfiance s’est transformée en confiance.
A partir de là, il m’a ouvert ses portes.
Il a beaucoup partagé. Sans rien attendre.
J’étais curieux il a bien nourrit cette curiosité.
Il s’est impliqué.
En venant me reconduire au camp dans le Vermont. Il m’avait donné comme consigne d’écrire tout les jours les mots d’anglais que j’apprenais. Ce que j’ai fait. Et ca a marché, j’ai appris l’anglais à ce camp. Surtout grâce à cette consigne. Je collectionnais les cartons d’allumettes et il m’en rapportait après chacun de ses voyages. Toujours. Lui qui détestait les fumeurs… Il m’a fait découvrir l’océan. Il sortait sa voiture du garage à Victo pour me laisser y faire du skate à l’abri quand il pleuvait. Des attentions simples mais qui résonnaient particulièrement en moi, peut-être du fait de nos différences et du contexte particulier qui nous réunissait.
On venait de 2 mondes différents.
Plus j’allais vers l’âge adulte plus cette différence s’affirmait. Normal.
Mais grâce à la confiance acquise dès le début nous avons toujours conservé un profond respect mutuel. Au-delà de nos différences, au-delà des situations délicates.
J’ai senti sa bienveillance discrète lors du décès de mon père.
La veille de mon départ pour 6 mois en Europe, j’avais 19 ans, il est venu vers moi, m’a serré la main fermement en me souhaitant un beau, grand voyage tout en me glissant un billet de 50$, discrètement, sans cérémonie. Il n’attendait pas ma reconnaissance. Une générosité désintéressée. Ça m’a beaucoup touché. Sans le dire, il m’a fait sentir que l’enfant à qui il s’adressait comme une grande personne devenait un homme.
Après la séparation avec ma mère, le lien est resté, comme un simple filet d’eau qui coule doucement mais toujours alimenté.
Aujourd’hui ce filet d’eau continu de remplir une réserve dans laquelle je m’abreuve et qui je sais ne s’assèchera jamais.